Mes chers compatriotes,
Le 30 juin de chaque année est un moment légitime pour nous tous, de
célébrer et de commémorer l’accession de notre pays à la souveraineté
nationale et internationale. C’est aussi l’occasion de revisiter le chemin
que nous avons parcouru ensemble, de prendre la mesure des défis, aux
plans politique, économique et social, afin d’arrêter les voies et moyens
d’offrir un meilleur avenir à notre progéniture.
Il y a soixante ans, nos pères fondateurs, parmi lesquels Joseph
Kasavubu et Patrice Lumumba, sont parvenus à concrétiser la profonde
aspiration du peuple congolais à l’émancipation.
Nous gardons tous en mémoire la belle histoire du 30 juin ; celle de nos
deux héros, aux tempéraments différents, mais tout aussi déterminés pour
la cause de l’indépendance. A cet égard, il me parait juste, 60 ans plus
tard, de réconcilier ces deux approches et d’élever Joseph Kasavubu,longtemps oublié, au rang largement mérité d’Héros National. Dans le
même ordre d’idée, je viens de signer l’ordonnance portant nomination du
Maire et du Maire adjoint de Lumumbaville, dans la province de Lomami,
rendant celle-ci effective et opérationnelle.
Le Congo, ce pays voulu et créé sans nous 75 années plus tôt à Berlin,
nous l’aimons et nous le chérissons, unis par le sort et ayant en partage
une longue histoire commune faite de joies, de larmes, de sueur et de
sang.
Sans équivoque, nos pères ont fait le choix de l’indépendance, de la
dignité et de la solidarité nationale, tout en étant conscients du risque
encouru par le pays quant à son devenir économique et social, faute d’une
préparation adéquate de la jeune nation.
L’effondrement du socle de confiance intervenu entre les acteurs
politiques nationaux dès le lendemain de la proclamation de notre
indépendance, est le résultat combiné de l’inexpérience, de la jeunesse
de la classe politique et du jeu malsain des convoitises extérieures.
Ce départ raté a conduit notre pays, un pays aux promesses pourtant
exceptionnelles, dans une descente aux enfers qui a pu paraitre
interminable et qui n’a épargné aucun secteur de la vie nationale.
Déjà avant l’indépendance, dans son discours visionnaire d’Accra en
décembre 1958, Patrice Lumumba nous invitait à nous opposer de toutes,nos forces à la balkanisation du territoire national sous quelque prétexte
que ce soit. Effectivement, comme un serpent de mer, la menace de la
balkanisation aura traversé l’histoire de ces 60 dernières années, la
rendant tumultueuse et trouble, sous l’instigation de puissances
extérieures, en complicité avec des enfants du pays et des pays voisins.
Loin de briser notre volonté de vivre ensemble, je voudrais que les
menaces contre notre pays raffermissent les liens historiques et le
sentiment patriotique, qui font de nous les filles et fils de la grande nation
congolaise au cœur de l’Afrique.
Très chers compatriotes,
Au combat pour l’indépendance, s’est substitué un combat pour la
démocratie, les libertés fondamentales et le progrès social, comme si,
après l’indépendance, le peuple du Congo avait troqué une soumission
externe contre une soumission interne.
Soixante ans durant, malgré les vicissitudes et leur cortège de
conséquences douloureuses, notre patrie est restée une et indivisible. Je
sais gré à toutes les filles et à tous les fils de la République qui ont lutté jusqu’au sacrifice suprême, dans leur détermination à préserver l’intégrité
de notre territoire, l’unité nationale et les droits humains. Je n’oublie
personne ; je pense à nos vaillants officiers et soldats qui travaillent nuit
et jour dans des conditions extrêmement difficiles. Je pense à nos
mamans et nos sœurs martyrisées dans leur chair. Je pense à nos enfants
victimes des conflits, à qui un triste destin a arraché le simple droit
d’espérer… Je pense à nos classes laborieuses, à nos paysans, à tous
ceux qui chaque matin, affrontent des difficultés de tout genre pour
subvenir aux besoins de leur famille. Je pense à l’ensemble de nos forces
vives, et en particulier tous les combattants et martyrs de la démocratie,
qui, dans la suite d’Etienne Tshisekedi d’heureuse mémoire, ont affronté
les répressions les plus sanglantes, les plus barbares, depuis les temps
forts de la guerre froide jusqu’à la veille des élections de décembre 2018 ;
je pense à nos filles et à nos fils lâchement abattus dans les rues de nos
villes et de nos villages, jusqu’à l’intérieur des églises ainsi profanées. Je
n’oublie personne, je n’oublie rien ; aucune douleur, aucun déchirement
ne doit être oublié. Au nom de l’ensemble du peuple congolais, je m’incline
une fois de plus devant leur bravoure. Leur héroïsme nous a permis de
franchir une étape importante dans notre marche vers l’instauration d’une
Nation respectueuse de la personne humaine et du caractère sacré de la vie.
Mes très chers compatriotes,
« A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous
demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez
ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez
avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour
fassent connaitre à leurs fils et à leurs petits-fils l’histoire glorieuse de
notre lutte pour la liberté ».
Cet appel prophétique lancé par Emery Patrice Lumumba le 30 juin 1960,
je vous demande de le graver indélébile dans votre conscience, car plus
que jamais, il demeure d’actualité.
Dans sa longue quête pour la démocratie et l’Etat de droit, notre peuple a
enduré les pires atrocités, crimes contre l’humanité et pillages de ses
ressources.
Aujourd’hui, 60 années plus tard, le devenir de la Nation est toujours entre
les mains d’une classe politique, toutes tendances confondues, qui
demeure versatile, et qui peine à arracher la Nation du cercle vicieux de
l’instabilité et de la pauvreté.
Jugez vous-même de notre héritage commun, 60 ans après : Alors que le
revenu moyen par habitant était de 1000 dollars américains en 1960, il est estimé à 400 dollars américains aujourd’hui, en termes constants ;
autrement dit, le congolais moyen a perdu 60 % de sa richesse au cours
des 60 dernières années.
Notre pays est paradoxalement aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres
du continent, alors qu’il fut l’un des plus riches il y a 60 ans. Notre réseau
routier ne représente plus que 10 % de ce qu’il était en 1960 et le réseau
ferroviaire que 20 %.
Mes chers compatriotes,
Au lendemain de mon accession à la Magistrature suprême, me
conformant à mes obligations constitutionnelles et m’acquittant de mon
devoir de redevabilité, j’ai prononcé, le 13 décembre 2019, un discours
sur l’état de la Nation, devant les chambres du Parlement réunies en
Congrès.
Devant les honorables Députés et Sénateurs, j’ai eu l’honneur et la fierté
de faire un tour d’horizon complet des principaux secteurs de la vie
nationale autour des actions prioritaires de mon quinquennat, contenues
dans le Programme du Gouvernement. Il s’agit sur le plan politique du
rétablissement de la paix et de l’instauration d’un Etat de droit ; sur le plan
social, il y a notamment la gratuité de l’enseignement, la couverture
sanitaire universelle et les logements sociaux ; sur le plan économique, la priorité a été donnée à l’accès à l’électricité et à l’eau potable, aux
infrastructures et la transformation structurelle de l’économie par sa
diversification.
Mes chers compatriotes,
Au moment où nous célébrons le 60ème anniversaire de notre
indépendance, je note que des pas importants ont été franchis.
A l’Est du pays, aux Nord et Sud-Kivu, les groupes armés locaux et
étrangers ont subi ces derniers mois une forte pression et enregistré des
lourdes pertes. Plusieurs combattants issus de leurs rangs ont été soit
capturés, démobilisés ou arrêtés, soit rapatriés dans leurs pays d’origine.
Les ADF sont à ce jour nettement affaiblies et délogées de tous leurs
sanctuaires dans le territoire de Beni. L’armée réussit à déjouer plusieurs
attaques terroristes de cette force du mal qui, de manière très isolée,
mènent des attaques ciblées contre les populations civiles. Je salue les
efforts de nos officiers et nos troupes sur le terrain et ma détermination
d’en finir reste vive. En Ituri, la FRPI est engagée dans le processus de désarmement, de
démobilisation et de réinsertion en cours de mise en œuvre. Ceci après la
signature d’un accord de paix avec le Gouvernement.
Dans l’ensemble, des mesures non militaires sont davantage requises
pour une meilleure mobilisation des communautés locales dans la lutte
contre les forces négatives.
Je réitère mon appel à tous les autres groupes armés afin de déposer les
armes et de choisir la voie de la paix, sous peine de s’exposer aux actions
coercitives de l’armée et à des poursuites judiciaires.
Je condamne fermement les massacres des populations par des miliciens
en Ituri, aux Nord et Sud-Kivu. Tout en exprimant ma compassion aux
familles durement touchées par cette barbarie ignoble, je les assure que
ceci ne restera pas impuni.
Chers compatriote,
Comme je m’y étais engagé, l’établissement d’un Etat de droit est en
marche dans notre pays. Le citoyen congolais a retrouvé la pleine
jouissance de ses libertés fondamentales : de manifester, de résider dans
son pays, de ne pas être arrêté pour des raisons politiques.
La Justice recouvre peu à peu son indépendance. Les avancées
enregistrées l’ont été au prix de sacrifices extrêmes. Elles ne peuvent être
annihilées par des manœuvres d’arrière-garde qui s’observent chez
certains de vouloir légiférer pour déposséder le Conseil Supérieur de la
Magistrature du pouvoir judiciaire qu’il détient pourtant par la Constitution.
Point n’est besoin de vous rappeler que la justice élève une nation. La
justice est pour un Etat de droit ce que le sang est pour le corps humain.
Voilà pourquoi j’estime que les réformes dans ce secteur doivent être
dictées, non pas par le souci de s’assurer une protection d’une personne
ou d’un groupe de personnes, mais plutôt par le souci d’apporter plus
d’efficacité et d’efficience au fonctionnement de la justice.
En considération de ces éléments, je n’accepterai sous aucun prétexte
des réformes dans ce secteur qui, par leur nature et contenu, viendraient
porter atteinte à des principes fondamentaux régissant la justice tels que
prévus dans notre Constitution, notamment l’indépendance du pouvoir
judiciaire du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, le pouvoir régalien de
nomination des magistrats, la gestion du pouvoir judiciaire confiée au
Conseil supérieur de la Magistrature et bien d’autres.
Je m’étais également engagé à rendre l’enseignement de base obligatoire
et gratuit pour tous. A ce jour, fréquenter l’école est devenu une réalité
pour nos enfants, quelle que soit leur condition sociale.
En effet, jusqu’à la rentrée scolaire de 2019, notre pays était l’un des
derniers au monde où l’école primaire était encore payante. Les parents
finançaient les 2/3 des coûts de scolarité et 4 millions d’enfants n’étaient
pas scolarisés en 2018, parce que les parents devaient choisir entre les
nourrir ou les faire étudier.
Depuis que nous avons lancé cette grande réforme pour la gratuité, 2,5
millions d’enfants supplémentaires ont pu retrouver le chemin de l’école.
Cependant, cet engouement salutaire met en exergue deux autres
défis importants que nous devons relever ; celui des infrastructures
d’accueil et celui de la qualité de l’enseignement. Quelles qu’en soient les
difficultés, nous sommes sur la bonne voie et nous restons déterminés.
Nous pouvons nous réjouir de bénéficier du concours sans précédent de
la solidarité internationale pour la prise en charge de cette réforme dont le
coût est supérieur à 1 milliard de dollars par an.
Mais il nous faudra davantage mobiliser nos ressources internes à travers
l’impôt, pour soutenir à long terme l’éducation de nos enfants. Il s’agit d’une responsabilité collective et prioritaire, qui doit interpeller chaque
citoyen.
J’ai également pris l’engagement de mettre un terme à l’impunité, pour
donner un sens à la lutte contre la corruption et les antivaleurs, car celles-
ci sont à la base de presque tous les maux dans les différents secteurs de
la vie nationale.
Quelques mois après mon avènement, des Ministres centraux et
provinciaux ont été suspendus de leur fonction, déférés devant la justice
et condamnés pour des faits de corruption et d’abus d’autorité.
Aussi ai-je, à cet égard, créé par ordonnance datée du 28 mars dernier
une Agence de prévention et de lutte contre la corruption (en abrégée
APLC), qui a pour mission de prévenir et de lutter contre la corruption qui
gangrène le pays, en amont de l’action des institutions judiciaires.
Sur le plan économique, j’ai fait de l’accès à l’électricité une priorité.
Plusieurs projets publics et privés sont en cours de démarrage,
notamment une centrale solaire de 1.000 Mégawatts à Kinshasa et
d’autres à l’intérieur du pays. En outre, au-delà des conférences et débats publics sur la question, le méga projet du grand Inga est au cœur de
tractations susceptibles de lui donner un coup d’accélérateur inespéré.
Mes chers compatriotes,
Le courage, disait Jaurès, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel.
Notre pays a failli à son devoir de donner à la jeunesse une perspective
crédible autre que de vouloir s’agglutiner au sein des institutions politiques
et publiques, comme si leur avenir n’existait qu’en faisant de la politique.
En soixante années, nous avons progressivement laissé notre classe
politique se transformer en une sorte de maffia, et nous en avons fait le
principal modèle de réussite pour cette jeunesse. Il est temps de changer
de paradigme et de créer les conditions qui permettront à nos jeunes de
devenir les principaux créateurs de richesses dans notre pays ; cette
jeunesse talentueuse, pleine d’énergie et avide de savoir, pour laquelle
nous avons engagé le pays dans la transformation digitale, à travers
l’ambitieux Plan national du numérique Horizon 2025.
Depuis l’indépendance jusqu’à ce jour, notre pratique de la politique a eu
pour principal effet de diluer l’efficacité, de diluer les responsabilités et, au
final, de desservir au lieu de servir.
La lutte contre l’impunité, contre la corruption et les antivaleurs,
constituent les éléments centraux de ma stratégie, sans lesquels tout réel
espoir de changement est impossible.
Mais dès lors que nous avons en toute conscience choisi de privilégier la
réconciliation nationale pour mieux construire l’avenir et préserver la paix,
la lutte contre l’impunité ne doit en aucun cas se transformer en
vengeance, ni en chasse aux sorcières.
De même, aucune réconciliation crédible ne peut être envisagée si nous
continuons avec les pratiques anciennes de la corruption, de la ruse et du
crime. L’engagement que j’ai pris devant vous, devant ma conscience et
devant Dieu, c’est de donner la chance à tous les congolais, sans
exclusive, d’envisager l’avenir en toute liberté et en toute quiétude, mais
sur de nouvelles bases morales. En aucun cas cet engagement ne peut
signifier la poursuite de l’impunité. M’inspirant des saintes écritures, mon
objectif n’est pas de voir les méchants périr, mais plutôt qu’ils changent,
qu’ils soient sauvés et que le pays tout entier s’en réjouisse.
A défaut, ils s’exposeront à la rigueur de la loi. Celle-ci étant faite pour
révéler la faute, j’accorde à la restauration de l’Etat de droit la première
des priorités dans mon combat pour l’édification d’un nouveau Congo.
J’ai entendu certains parler avec ironie ou crainte de la République des
juges.
La réalité est plutôt que le pouvoir judiciaire demeure confronté à de
nombreux défis en termes de ressources, de capacités et d’indépendance.
La RDC ne compte actuellement que 1 magistrat pour 28 000 habitants,
alors qu’un ratio minimum de 1 magistrat pour 5.000 habitants est
considéré comme étant la limite de la couverture requise par les standards
définis par l’Association Internationale des Magistrats. La dernière grande
vague de recrutement des magistrats en RDC date de 2011. Nous avons
donc un grand retard à rattraper.
Mes chers compatriotes,
J’ai à cœur l’ensemble de vos aspirations pour un Congo meilleur, un
Congo paisible, plus juste et plus équitable. Qu’il s’agisse de la réforme
en cours de la justice, que je compte poursuivre et approfondir, de
l’indispensable rattrapage en matière d’infrastructures de base, de l’accès
à la santé, de la pacification intégrale du pays ou de la préservation de
l’environnement, le Congo a grandement besoin de ressources et de
méthodes, pour poursuivre avec succès la mise en œuvre du programme
pour lequel vous m’avez élu.
Je souhaite que l’expérience douloureuse révélée au cours du procès en
rapport avec le Programme des 100 jours tourne définitivement la page
de la longue série de projets et programmes qui, à travers l’histoire, ont
donné lieu à d’importants coulages des ressources publiques en toute
impunité.
Je pense notamment au Projet de Bukangalonzo, aux multiples cessions
d’actifs miniers, aux projets de construction d’infrastructures routières,
aéroportuaires et j’en passe. Le défi du Congo, le défi du peuple congolais,
c’est de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. A tout prix, nous
devons y parvenir et nous allons y arriver.
J’appelle le gouvernement de la République à engager des réformes sur
l’ensemble de la chaine de la dépense, afin que nos ressources publiques
soient désormais mieux préservées et mieux utilisées.
Mes chers compatriotes,
Alors que nous nous étions engagés à faire de 2020 une année de l’action
décisive, la force du destin a fait coïncider cette année du soixantième
anniversaire avec l’une des crises sanitaires et économiques les plus
intenses que notre civilisation ait connue ; l’apparition de la Covid-19.
Cette crise est également un rappel à l’humilité que nous devons adopter
face à l’accélération imprévue du mouvement de l’histoire.
La covid-19 qui affecte aujourd’hui tous les continents et qui frappe
indistinctement tous les habitants de la planète, représente la plus grave
crise sanitaire qu’ait connu le monde depuis la grippe espagnole.
Toutes les certitudes idéologiques sur lesquelles est fondé l’ordre
économique mondial sont aujourd’hui remises en question. Pour s’adapter
à cette nouvelle donne et offrir à ses Etats membres la possibilité d’investir
massivement dans la lutte contre la covid-19, l’Union Européenne ainsi
que la Banque centrale européenne, ont revu et assoupli de manière
exceptionnelle leurs règles et pratiques en matière budgétaire et
d’endettement.
Lorsque notre pays a été frappé à son tour par cette pandémie de covid-
19, j’ai dans mes messages du 18 et 24 mars 2020, annoncé les mesures
de prévention et de protection contre ce virus en même temps que j’ai
déclaré l’état d’urgence conformément aux dispositions pertinentes des
articles 85, 144 et 145 de notre Constitution.
La pandémie du coronavirus nous a une fois de plus rappelé à quel point
nous étions dépendants de l’extérieur et combien nous pouvions être
vulnérables à cause d’un système de santé déficient.
Et pour atténuer les impacts immédiats de la covid-19 dans notre pays,
j’ai immédiatement engagé le gouvernement à prendre des mesures pour
assurer la prise en charge sanitaire des personnes affectées par la pandémie, ainsi que pour garantir la continuité de l’approvisionnement du
pays en denrées de première nécessité. L’ensemble de ces dispositions
ont permis de réduire très sensiblement le taux de létalité de la pandémie
dans notre pays. Celui-ci est passé de 10 % de décès dans les premiers
jours à moins de 2,5 % actuellement. Au niveau économique, la pandémie
nous a rappelé l’excessive dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur.
Ainsi, quelques grands projets agricoles ont été initiés, pour renforcer
notre autosuffisance alimentaire. Trente-trois mille hectares à travers le
pays ont été affecté aux cultures vivrières et commencent à produire leurs
premiers résultats, dont 3000 tonnes de riz à Kimpese, 4000 tonnes de
paddy à Nkuni. Nous attendons de récolter et transformer bientôt le
manioc planté sur 800 hectares à Wangata.
Afin de consolider cet élan sur les plans sanitaire et économique, j’ai lancé
le 18 juin 2020 un programme multisectoriel d’urgence dont le coût est
estimé à 2,6 milliards de dollars américains.
Il va sans dire que dans ce contexte de crise, il est également urgent de
procéder à des économies partout où nous pouvons en réaliser, en
commençant par les institutions politiques, afin de dégager des marges
de manœuvre budgétaires supplémentaires pour assurer les dépenses
sociales en faveur des catégories les plus fragiles.
Mes Chers compatriotes,
A sa création en marge de la conférence de Berlin en 1885, notre pays a
été baptisé « Etat Indépendant du Congo ». Loin de pouvoir caractériser
la souveraineté des peuples qui y habitaient et qui venaient d’être soumis
à un régime de colonisation, cette dénomination a symbolisé la volonté de
son propriétaire d’alors, le monarque belge Léopold II, de transformer
notre pays naissant en zone de libre-échange économique au profit des
puissances occidentales de l’époque.
C’est ainsi que notre pays a toujours été au centre d’enjeux planétaires
qui le dépassent, au point que c’en est devenu son ADN, la source de ses
joies et ses peines. C’est pourquoi, tirant les leçons de l’histoire, j’ai
résolument engagé la République dans la voie de l’ouverture
internationale, dans l’unique but de préserver les intérêts supérieurs de
mon pays et de mon peuple.
C’est dans ce contexte que j’estime nécessaire que notre histoire
commune avec la Belgique et son peuple, soit racontée à nos enfants en
République Démocratique du Congo ainsi qu’en Belgique sur la base d’un
travail scientifique réalisé par les historiens des deux pays.
Mais le plus important pour l’avenir, c’est de bâtir des relations
harmonieuses avec la Belgique parce qu’au-delà des stigmates de
l’histoire, les deux peuples ont su construire une relation forte que j’ai pu vivre personnellement lors de mon exil en Belgique, mon autre Congo.
C’est ainsi que, n’eut été la pandémie de la Covid-19, j’avais prévu de
commémorer les 60 ans de notre indépendance ici à Kinshasa avec
comme invité spécial le Roi Philippe de Belgique qui, tout comme moi,
cherche à renforcer les liens entre nos deux pays sans renier notre passé
commun mais dans l’objectif de préparer un avenir radieux et harmonieux
au profit de nos deux peuples.
J’ai parcouru le monde durant ces 17 derniers mois pour porter mon
message, que dis-je, notre message, celui de l’aspiration du peuple
congolais à la paix ; une paix sincère et durable avec tous, dans le cadre
d’une coopération économique fondée sur des intérêts mutuels bien
compris.
J’ai reçu partout un accueil enthousiaste, parfois au-delà des attentes, et
la voix de la RDC dans le concert des Nations compte désormais plus
qu’avant.
Notre pays naguère victime de guerres d’agression, assure désormais des
médiations de paix et offre ses bons offices, notamment entre l’Egypte et
l’Ethiopie, en rapport avec le différend relatif aux eaux du bassin du Nil,
ou encore aux côtés de l’Angola, pour la recherche de la paix entre le
Rwanda et l’Ouganda, dans l’intérêt de la paix dans l’ensemble de la sous-
région des Grands-Lacs.
Mes nombreux déplacements ont également hissé la coopération au
développement en faveur de la RDC à un niveau sans précédent. Rien
que pour la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, depuis
février 2019 jusqu’à ce jour, notre pays a mobilisé plus de 3,4 milliards de
dollars en dons et en prêts approuvés par ces 2 institutions, desquels
environ un milliard ont déjà été décaissés.
Au niveau bilatéral, les nouveaux engagements financiers généré en
faveur du Congo à la suite de cette intense activité diplomatique
dépassent le milliard de dollars, dont plus de 600 millions rien que pour
les Etats Unis d’Amérique, pays avec lequel nous avons établi une relation
privilégiée et stratégique.
J’ai cependant constaté que les flux d’aide publique approuvés en faveur
de la RDC tardent souvent à être décaissés, parfois jusqu’à 11 mois de
retard, à cause de pesanteurs inexplicables, voire inacceptables, liées aux
formalités administratives et législatives de mise en vigueur des différents
accords de dons ou de prêts. L’urgence de nos défis économiques et
humains ne peut continuer de s’accommoder de tels atermoiements
funestes.
Mes chers compatriotes,
Je suis bien conscient que, dans votre fierté légendaire, vous ne pouvez-
vous contenter d’une situation de dépendance structurelle à l’aide
publique internationale. C’est pourquoi je nous invite à concentrer
l’essentiel de notre fierté nationale à promouvoir le sens de la valeur du
travail, la création de la richesse, le paiement d’un impôt juste et l’exercice
de la solidarité nationale.
Mes très chers compatriotes,
Alors que l’œuvre du redressement de notre pays postule le
rassemblement de toute la nation autour de l’essentiel, nous devons
affronter en même temps les contingences imposées par cette expérience
inédite de coalition politique formant la majorité. Il est important que cette
expérience inédite et sensible, mais que nous voulons salutaire, ne
conduise à aggraver les problèmes de notre société en créant ou en
renforçant l’hostilité mutuelle et la méfiance.
Comme il y a 60 ans, étrange répétition de l’histoire, il y a une majorité
parlementaire et un Président de la République qui viennent de
composantes politiques différentes, jadis en opposition frontale. N’est-ce
pas un sort de l’histoire, afin que nous réparions le péché originel qui a
entrainé notre pays dans une succession de crises ? C’est pourquoi, en
tant que garant constitutionnel du bon fonctionnement des institutions, je ne ménagerai aucun effort pour m’assurer, via un dialogue
interinstitutionnel régulier, qu’aucune crise inutile ne puisse perturber la
stabilité du pays, si importante pour son essor.
Permettez-moi néanmoins de saisir cette occasion symbolique de
commémoration de l’indépendance pour réaffirmer qu’aucune majorité
politique ou parlementaire, d’où qu’elle vienne, ne peut outrepasser les
principes fondateurs de la République qui sont à la base du Pacte social
tel que consacré dans la constitution du 18 février 2006, à savoir : un Etat
de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et
laïc.
Mes chers compatriotes,
J’observe souvent la ferveur avec laquelle nombre de mes concitoyens
s’indignent lorsqu’il est porté atteinte aux droits et libertés des personnes
de couleur sous d’autres cieux, notamment dans les vieilles démocraties.
Mais comment comprendre que ces mêmes concitoyens se retrouvent
parfois parmi ceux qui attisent le plus le tribalisme et la haine lorsqu’il s’agit
de la vie de nos compatriotes ?
Je combattrai avec la dernière énergie la résurgence de ces fléaux qui
pourraient menacer le vouloir vivre collectif si chèrement acquis.
Mes très chers compatriotes,
Qu’est-ce que 60 ans dans la vie de notre nation ? Molière nous rappelle
à juste titre que 60 ans, c’est la fleur de l’âge, qui nous fait entrer
maintenant dans la belle saison.
Soyons tous interpellés par les défis majeurs auxquels notre pays est
toujours confronté, notamment celui de la maximisation des recettes
publiques.
Pour assurer la réussite du Programme du Gouvernement, je n’ai cessé
d’exhorter ses membres et mes concitoyens à œuvrer à la restauration de
l’Etat de droit, afin d’accélérer les flux d’investissements privés, qu’ils
soient internes ou externes, ainsi que pour maximiser la mobilisation des
recettes fiscales, pierre angulaire des ressources publiques.
Très chers compatriotes,
Fonder un Etat moderne, un Etat normal et vaincre la pauvreté décrétée
cause nationale, constituent toujours la pierre angulaire de ma vision pour
notre pays. Sur ce chemin encore parsemé d’embûches et d’obstacles, je
ressens toujours au plus profond de moi la force et la détermination de mes compatriotes quand, dans un écho grandissant et permanent, ils ne
cessent de me rappeler leur leitmotiv à savoir : le peuple d’abord.
Oui, « le peuple d’abord » est la boussole de notre action et la mesure de
notre détermination. C’est vous dire que l’intérêt du peuple congolais
constitue et constituera toujours le fil conducteur de toutes les réformes
que j’entends voir le gouvernement de la République accomplir tout long
de mon mandat.
A 60 ans, on n’a plus d’excuses : à 60 ans, on ne commet plus les mêmes
erreurs ; à 60 ans, on sort des discours creux et répétitifs et on prêche la
sagesse et la droiture par l’exemple ; à 60 ans, on pense à l’héritage et
aux valeurs à léguer aux générations futures. Il est temps que nos
ambitions personnelles viennent en dernier lieu et que les ambitions de
notre pays soient notre priorité.
Très chers compatriotes,
C’est pour vous, avec vous et dans votre intérêt, que nous allons réussir
le mandat que vous m’avez confié.
Bonne fête de l’indépendance à toutes et à tous !
Vive la Nation congolaise unie et forte !
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo
Je vous remercie