La situation sécuritaire et humanitaire à Goma, dans la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC), s’est gravement détériorée en janvier 2025 en raison de l’offensive menée par le groupe rebelle M23, avec le soutien du Rwanda. Cette attaque a eu des conséquences majeures sur la sécurité alimentaire de la région, exacerbant les pénuries, perturbant les chaînes d’approvisionnement et limitant l’accès à l’aide humanitaire.
En janvier 2025, le groupe rebelle M23 a intensifié ses offensives dans l’est de la République démocratique du Congo, menant à une escalade des violences dans la province du Nord-Kivu. Le lundi 27 janvier, après plusieurs jours de combats acharnés, les forces du M23 ont pris le contrôle de Goma, la capitale provinciale, entraînant des affrontements meurtriers avec l’armée congolaise et d’autres groupes armés locaux.
Le bilan humain est particulièrement lourd : au moins 3 000 personnes ont perdu la vie et 2 800 autres ont été blessées, parmi lesquelles de nombreux civils pris au piège des combats. La situation humanitaire s’est rapidement détériorée, des milliers de personnes fuyant la ville pour échapper aux violences.
Par ailleurs, les infrastructures essentielles ont subi d’importants dommages. Les routes commerciales stratégiques et les principales voies d’approvisionnement agricole ont été gravement perturbées, isolant davantage Goma et compromettant l’accès aux denrées alimentaires et aux services de base. Cette situation aggrave une crise humanitaire déjà critique, avec un risque accru de pénurie alimentaire, de propagation des maladies et d’effondrement des services de santé.
Les organisations humanitaires signalent une situation critique, avec de nombreuses familles privées de nourriture et d’assistance médicale. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), les réserves de nourriture et d’eau s’épuisent à Goma et dans les zones environnantes.
Avant cette escalade, la situation alimentaire au Nord-Kivu était déjà alarmante. Selon une analyse du Cadre Intégré de Classification de la Sécurité Alimentaire (IPC) publiée en octobre 2024, environ 25,6 millions de personnes en RDC étaient confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire de crise (Phase 3) ou d’urgence (Phase 4), dont 3,1 millions dans la province du Nord-Kivu. Avec l’intensification du conflit et la prise de Goma, il y a une forte probabilité que ce chiffre soit revu à la hausse dans les prochaines analyses, alors que les déplacements massifs de populations et la destruction des moyens de subsistance aggravent l’accès à la nourriture.
Les conflits persistants ont lourdement perturbé les activités agricoles, limitant l’accès des agriculteurs aux champs et entraînant des récoltes inférieures à la moyenne. Les prévisions pour les saisons agricoles de juin 2024 et janvier 2025 indiquaient déjà des rendements significativement réduits en raison de l’insécurité, du manque d’intrants agricoles et des perturbations climatiques. La crise actuelle ne fait qu’exacerber cette tendance, menaçant la disponibilité des denrées alimentaires sur les marchés locaux.
Parallèlement, la situation monétaire et économique s’est également dégradée. Sur le marché informel de Goma, le franc congolais s’est apprécié de 10,7 % par rapport au dollar américain après la prise de la ville, une tendance inhabituelle en temps de crise. Avant l’offensive du M23, un dollar américain s’échangeait à 2 800 CDF, tandis qu’en février 2025, il s’échange à 2 500 CDF, bien en dessous du taux indicatif fixé par la banque centrale (2 840 CDF).
Cependant, cette appréciation de la monnaie nationale ne se traduit pas par une amélioration du pouvoir d’achat des ménages. Au contraire, les prix des denrées alimentaires de base ont grimpé de manière significative en raison de la perturbation des chaînes d’approvisionnement et de la spéculation sur les marchés. En ce début de février, comparé à la première semaine de janvier, le prix du sac de braise a bondi de 53 %, celui de la farine de maïs blanc de 16 %, et celui de l’huile végétale de 5 %.
Cette flambée des prix met en péril la survie des ménages les plus vulnérables dans un contexte de crise où une grande majorité de la population a vu ses moyens d’existence anéantis. De nombreux petits commerces ont été pillés, privant les familles de leurs sources de revenus. D’autres ont subi un arrêt brutal de leurs activités génératrices de revenus en raison de la fermeture des magasins, du transport urbain, des bureaux, de l’aéroport et du trafic sur le lac Kivu. Cette combinaison de facteurs menace de plonger une partie importante de la population dans une insécurité alimentaire encore plus sévère, rendant l’intervention humanitaire urgente et essentielle.
Par Mulengezi Don, Analyste en Sécurité Alimentaire, Goma, RDC